Le BRM 200 du 9 avril 2022 organisé par mon club fait partie de mes objectifs pour 2022. Cependant, vu ma cécité, comme à chaque fois, le plus difficile pour moi est de trouver le partenaire de tandem disposé à me piloter. Pour mon plus grand plaisir, Jérôme fait preuve d’altruisme en acceptant ma proposition. ce sera une grande première pour lui puisqu’il n’a jamais réalisé une telle distance en tandem et ne compte aucune participation à un brevet des randonneurs mondiaux (BRM), où l’autonomie est le maître mot.
Jérôme, excellent pilote, n’est pas licencié à mon association de cyclotourisme mais nous essayons de rouler ensemble quelques heures en tandem le samedi matin en privilégiant les chemins. En effet, depuis que Jérôme roule en vélo gravel, dès qu’il peut éviter la circulation et la monotonie de la route, il ne s’en prive pas. C’est donc pour lui une expérience nouvelle et un très beau défi à relever. Il a, en outre, convaincu son voisin Martial de nous accompagner dans cette aventure. Martial aussi est un néophyte, il roule depuis peu en gravel et comme dit le proverbe « Plus on est de fous, plus on rit ».
Pourtant, le vendredi, veille du BRM, nous avons des conditions climatiques abominables à ne pas mettre un cyclo dehors, avec du froid, du vent, de la pluie incessante et même de la neige durant la nuit. Ce sont les conséquences de la tempête Diego qui balaye la France d’Ouest en Est. Si nous avons un tel temps le lendemain, nous annulons la sortie mais fort heureusement les prévisions s’annoncent plus clémentes.
Vers 6H15 le samedi, je reçois un texto de Jérôme me disant: « C’est bon, nous partons, nous serons chez toi pour 7H15 ». Telle une horloge Suisse, Jérôme et Martial sont ponctuels et, devant chez moi, le temps de garnir les sacoches avec un change en cas de pluie, nous allons jusqu’à la MJC de Cergy village, proche de mon domicile, lieu d’inscription. Nous sommes chaleureusement accueillis par Lionel, notre président ainsi que d’autres adhérents du club venus l’assister. Ils nous encouragent et nous souhaitent bonne chance pour cette épreuve. Nous enfourchons notre monture juste avant 8H et partons accompagné d’un ciel très sombre, un froid glacial et un ressenti de -1°C, un bitume gorgé d’eau, des conditions qui ne sont vraiment pas conformes à celles d’un mois d’avril. toutefois avec l’arrivée du printemps, nous étions tous persuadés que les jours moroses de l’hiver étaient enfin terminés
Assez rapidement, nous quittons l’agglomération de Cergy pour emprunter des routes de campagne du Val d’Oise, bien connues de Jérôme. L’allure est soutenue et le moral est au beau fixe malgré une pluie fine qui nous accompagne. Après une trentaine de kilomètres, dans un champ, Jérôme aperçoit Bruno à côté de son vélo couché. Parti avant nous, il s’affaire à réparer une crevaison. Nous lui demandons s’il a besoin d’un coup de main et d’un signe il nous fait comprendre qu’il gère la situation. Ensuite, nous rencontrons Elisabeth et comme tout se passe bien, nous la laissons poursuivre à sa cadence de métronome. Nous quittons l’Ile-de-France pour les Hauts-de-France et les routes de l’Oise. Après Serans, c’est l’inconnu pour Jérôme et c’est là que le GPS va être d’une grande utilité. Jérôme et Martial sont admiratifs car dans un bois, ils aperçoivent 2 biches bondissantes et un peu plus loin, ce sont deux écureuils qui s’amusent à se courser, un vrai spectacle. La bonne humeur règne, les plaisanteries entre nous s’enchaînent et de surcroît, le soleil montre le bout de son nez pour notre plus grand bonheur. A Dangu, nous entrons dans le département de l’Eure et nous voici en Normandie. Après 75 km, nous arrivons au premier contrôle situé à Ecouis, un petit village du Vexin normand. Etonnemment, ce petit bourg dispose d’une collégiale d’une taille imposante.
Nous rentrons dans le café pour absorber une boisson chaude et faire tamponner nos cartes de route.
Nous poursuivons notre itinéraire et vers Fleury, au bord de la rivière l’Andelle, le paysage est magnifique. Nous sommes proches des ruines de l’abbaye cistercienne de Fontaine -Guérard située à côté de la rivière de l’Andelle et blottit au cœur de la forêt domaniale de Lyons.
A la suite d’une belle grimpette, avant d’amorcer la descente, un panneau nous signale que la route est barrée mais nous l’empruntons quand même de façon aventureuse. Mal nous en a pris car nous sommes arrêtés durant un bon quart d’heure par des agents communaux. C’est à ce moment qu’Elisabeth nous rejoint. En effet, dans cette forêt domaniale, des bûcherons sont en train de tronçonner des arbres morts ou malades et ceux-ci jonchent la route. Une fois le plus gros dégagé, il faut porter le tandem et le vélo afin d’enjamber les branches au sol. Nous poursuivons notre parcours et à Lisors, nous passons juste à côté de l’abbaye de Mortemer qui fut la première abbaye cistercienne de Normandie. Au KM 105, nous voilà arrivés au deuxième contrôle. Lyons-la-Forêt fait partie des plus beaux villages français, un label bien mérité. C’est un vrai décor de carte postale qui s’offre à nous.
Jérôme et Martial sont tombés sous le charme de ses rues fleuries jalonnées de maisons à colombages et briques.
Nous trouvons une terrasse devant une boulangerie afin de nous restaurer. Nous profitons de ce moment fort agréable, dans un cadre idyllique et en prime, le soleil nous réchauffe les corps et les cœurs. Jean-Pierre nous aperçoit et nous salue avant de repartir. A côté de notre table, un groupe de six cyclos philippins sympathiques s’installent, ils participent également à cette épreuve. Nous ne savions pas que le Brevet de Cergy avait une réputation internationale. Martial en profite pour converser avec eux en anglais. Après la pause, nous enfourchons nos montures et continuons notre circuit. Le parcours est bien vallonné et avec la digestion, la mise en route est moins aisée qu’au début pourtant la forme est le mental sont inlassablement au rendez-vous. Dès que la route s’élève, Martial est devant le tandem. Autant sur le plat et les descentes, le tandem est performant, autant dans les côtes et les faux plats, il n’est pas à son avantage. Le malicieux Martial en profite pour nous lancer des boules de neige. Elle est encore présente à certains endroits, sur les bas-côtés de la chaussée à l’ombre. A Saint-Germer-de-Fly, nous quittons la Normandie pour les Hauts-de-France sans apercevoir sa célèbre abbaye qui vaut pourtant le détour.
Encore 7 km et nous serons au Coudray-Saint -Germer, lieu de notre troisième contrôle. Mais avant, nous avons une longue montée sur une route passagère qui est loin d’être agréable. Enfin au km 146, nous y sommes et faisons tamponner nos cartes dans un commerce d’alimentation. Nous repartons avec un vent plutôt favorable et malgré les côtes (La Landelle, La Houssoye…) nous accélérons l’allure. Ça commence à sentir l’écurie ! Bizarrement, à environ 30 km de l’arrivée, nous sommes cueillis par une courte averse de grêle. A Neuilly-en-Vexin nous entrons dans le Val d’Oise et le final, avec Marines, Ableiges, Boissy, Osny, souvent empruntés lors de nos randonnées, nous le connaissons les yeux fermés.
Dans l’agglomération de Cergy, nous retrouvons notre groupe de cyclos philippins apparemment en perdition, à la recherche de la MJC de Cergy-village. Nous leur indiquons l’itinéraire et terminons ensemble ce périple.
Nous sommes ravis d’avoir réalisé cette épreuve en 10 H sans que nous soyons éreintés. Avant tout, je remercie Martial pour sa compagnie fort sympathique mais surtout Jérôme, mon pilote, qui a relevé avec panache son défi. Par ailleurs, Il m’a aussi décrit les différents paysages rencontrés entre cultures et bocages ainsi que les villages traversés.
Il faut reconnaître qu’il n’y a rien de tel que le tandem pour éprouver les mêmes sensations, partager les mêmes émotions et vivre la même aventure. En somme, le tandem c’est du partage et de la solidarité puisqu’il réunit deux personnes malgré leurs différences.
Joseph Agro
Mise en page et photos des monuments Michel Vilpoix