Les excellents souvenirs du BRM 300 km de l’an passé m’ont donné envie d’aller plus loin. Aussi, je profite de la belle opportunité offerte par mon club de parcourir cette fois 400 km, soit un aller-retour Cergy – Reims, à l’occasion d’un nouveau BRM organisé les 13 et 14 mai 2017. Mon partenaire de tandem sera Thierry, bien décidé à relever le défi. Pour être homologué, ce brevet doit être réalisé en moins de 27 heures, en toute autonomie. La distance la plus longue réalisée par Thierry, lors de notre BRM d’Andrésy de l’an passé, étant de 240 km, nous avons quelques appréhensions à l’orée de cette nouvelle aventure qui me conduisent à parfaire mon entraînement en participant au préalable à trois 200 km, dont l’un avec Thierry.
Le samedi 13 mai, mon pilote arrive à mon domicile à 13 H 15. Nous garnissons amplement les sacoches du tandem de ravitaillement, d’une trousse de secours, de couvertures de survie, de gilets réfléchissants et des éclairages indispensables au roulage de nuit. Dès lors, les ennuis commencent. En effet, le guidon tourne brusquement à 90° et, comme je ne peux le retenir à temps, le rétroviseur se brise. Puis, voulant installer son GPS sur le cintre, Thierry constate qu’il a oublié d’apporter son support. Confirmant « l’élégante » citation de Jacques Chirac : « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille », Thierry fait par inadvertance une mauvaise manipulation et l’itinéraire programmé n’apparaît plus. En outre, son navigateur est maintenant entièrement en anglais. Malgré ces péripéties, nous enfourchons notre monture, bien chargée, en direction de la MJC de Cergy village, distant de quelques hectomètres de mon domicile. Sur place, l’accueil est des plus sympathiques, notamment celui des affiliés à l’U.S Cergy Cyclo, club organisateur, dont Lionel est notre président. Nous retrouvons Jean-Pierre et Jacques, autres membres de notre association sportive, qui participent aussi à ce brevet. Ils nous sauvent la mise, tous deux étant équipés de GPS, nous partagerons donc leur compagnie. C’est à 14 H que nous donnons nos premiers coups de pédales, sous un ciel sombre et chargé de nuages.La température de 19 C° est en revanche idéale pour rouler. Nous connaissons bien les premières routes empruntées. A proximité de la commune de Mériel, Thierry ressent une gêne au niveau de l’arrière de la cuisse. Il s’avère que c’est la vis servant à fixer mon guidon sur la potence qui l’irrite. La malchance s’acharnant alors que Thierry desserre celle-ci, elle se casse. Mais Jean-Pierre trouve dans sa sacoche une pince qui permet de l’extraire et nous la remplaçons par une autre, avant de reprendre l’itinéraire en direction de Beaumont. Subitement, nous nous retrouvons sur un chemin de terre au cœur de la forêt de l’Isle-Adam, sûrement induit par une erreur de lecture de GPS. Il nous faut alors être très vigilants pour éviter les pierres, les ornières, les flaques d’eau et surtout la crevaison puisque nous ne sommes pas équipés de pneus tout terrain. Peu après, une belle côte nous faisant face, nous mettons pieds à terre et poussons les cycles afin de rejoindre une route digne de ce nom. Par la suite, une montée assez longue nous conduit à la somptueuse forêt de Carnelle dominant le département du Val d’Oise. Nous avons la forme, hormis Jacques qui roule à l’économie alors qu’il n’y a pas de difficulté notable. Malgré le risque que le chrono en pâtisse, nous adoptons son rythme. A Ermenonville, connue pour sa célèbre mer de sable, le Val d’Oise laisse la place à l’Oise, dans les Hauts-de-France. Vers 18 H, après 75 km, nous arrivons à Nanteuil-le-Haudouin, ville de notre premier contrôle, où nous faisons une pause dans un bar. Nous continuons ensuite sereinement notre itinéraire. La clarté commence peu à peu à décliner, moment préféré des animaux pour s’activer. Thierry vient d’ailleurs d’apercevoir un chevreuil s’élançant à vive allure vers un talus, puis un renard traversant la route et peu après, des faisans prenant leur envol. Au km 135 nous sommes à Fère-en-Tardenois dans l’Aisne, notre deuxième étape. Des routes sont barrées, en prévision d’un défilé de chars illuminés vers 21h, à l’occasion de la fête du muguet. Nous avançons à faible allure, à la recherche d’un endroit pour dîner. Jean-Pierre aperçoit au dernier moment un café et tourne brusquement. Jacques, qui le suit de près, est obligé de freiner brutalement pour l’éviter et c’est la chute. Il crie, fait un soleil en passant par-dessus son guidon, alors qu’une voiture est juste derrière. Des personnes l’aident à se relever. Il est en état de choc, car non seulement le coude et le genou ont touché le sol mais également la tête, que le casque a par chance protégé. Il lui faut un certain temps pour récupérer de sa frayeur que nous avons tous ressentie. Nous en profitons pour faire une pause restauration, à l’issue de laquelle nous revêtons notre chasuble réfléchissante et des vêtements chauds. Vers 22 H, il fait bien sombre et nous reprenons nos montures ornées de lumières afin d’être visibles des automobilistes. Nos épaisseurs supplémentaires ne sont pas superflues, au regard de la fraîcheur nocturne. La nuit, toutes les sensations sont différentes, notamment la quiétude ambiante. Pour pallier le manque de perceptions visuelles, les autres sens sont en éveil. Nous sommes attentifs au moindre bruit, aux diverses odeurs, au revêtement du sol. De temps à autres, les réverbères nous signalent la présence de villages endormis et, lors de leur traversée, des aboiements de chiens accompagnent notre passage. Malgré le peu de voitures, Thierry est ébloui par celles croisées circulant plein phares. Dans ces conditions notre vitesse diminue, d’autant que nous devons être vigilants à suivre la chaussée qui, dans l’obscurité, ne se distingue qu’au dernier moment. Quelques kilomètres avant Reims, je ressens, au pédalage intense qu’il faut déployer, que nous sommes dans une belle côte. Effectivement, nous traversons des vignobles champenois, perdus dans la pénombre. Au km 190 il est 1 H, et nous voici à Reims, dans la Marne, capitale de la Champagne mais également cité des sacres.
Il y règne une animation surprenante faite de musique et de cris de jeunes éméchés, contrastant avec le silence des dernières heures. Nous dénichons un petit commerce d’alimentation encore ouvert qui tamponne nos cartes de route. Cette fois nous ne prenons pas le temps de voir la cathédrale Notre-Dame, chef-d’œuvre de l’art gothique français du XIIIème siècle, déjà visitée lors d’un précédent week-end cyclo club, car il nous faut repartir à 2 H en direction de Soissons, dans l’Aisne.
Vers 4 H 30, des néons au loin intriguent mes compagnons. Il s’agit d’une boulangerie, dans un petit village axonais, qui vient d’ouvrir et nous en profitons pour déguster les premiers croissants tout chauds. La clarté commence à poindre alors que les oiseaux ont déjà entamé leur concert. Il est 6 H, nous arrivons à Soissons et quelques très légers signes d’endormissement se font ressentir. Nous trouvons une autre boulangerie, où nous pouvons boire un grand café. Depuis plusieurs heures, Thierry se plaint d’échauffements. A chaque pause, il en profite pour se masser avec de la crème que j’avais heureusement prévue. Il avait pourtant installé sa propre selle sur le tandem mais comme nous, il n’est pas équipé d’un modèle prévu pour les longues distances, ni d’un cuissard. Le commerce n’ayant pas de tampon pour attester de notre passage, nous nous prenons en photo à tour de rôle devant un panneau indiquant la localité. Il est à présent 7 H, Le ciel est menaçant et il nous faut repartir pour rallier Clermont-sur-Oise, lieu de l’avant-dernier contrôle. Malgré leur GPS, nos compagnons de route ont des difficultés à trouver le bon itinéraire, sans doute du fait d’un manque de lucidité causé par la fatigue. Nous tournons en rond et les passants ne parviennent hélas pas à nous renseigner. Nous réussissons finalement à rejoindre Clermont-sur-Oise. Il nous aura fallu 5 H 30 pour parcourir 80 km et ce n’est pas le parcours vallonné qui peut expliquer à lui seul ce médiocre chrono. Au cours de la matinée, c’était à prévoir, nous essuyons deux bonnes averses. Dans la ville, nous trouvons un café où nous faisons un arrêt. On s’alimente, on s’hydrate et Jacques n’étant toujours pas en bonne condition physique, il allège sa monture en laissant au cafetier ses sacoches, qu’il récupérera le lendemain en voiture. Notre marge est faible, il nous reste encore 66 km et il faudra arriver à Cergy avant 17 H afin de valider notre brevet. Nos deux camarades repartent alors que Thierry est encore en train de ranger des affaires dans la sacoche du tandem. Nous ne savons pas quel chemin nos compagnons ont emprunté. Dépourvus de navigateur, nous essayons de les contacter par téléphone, mais nous tombons directement sur leur messagerie, sans doute à cause d’un réseau très faible. Nos camarades nous ont dit plus tard qu’eux aussi n’avaient pas réussi à nous joindre. A ce moment-là, notre moral est en berne, mais il nous faut réagir vite. Il est 13 H 30, nous reprenons l’initiative avec la carte de route et demandons à un piéton où se trouve la localité suivante. Il nous indique une direction qui s’avère être mauvaise, puisque 500 m plus loin se trouve une voie rapide. Nous faisons alors demi-tour, avant d’accoster une autre personne, en espérant qu’elle nous indique enfin la bonne voie. Une course contre la montre s’engage pour respecter le temps d’arrivée. Thierry me demande s’il me reste encore de l’énergie, je lui assure que je vais mettre toutes mes forces afin de terminer dans les délais. J’appuie donc de plus belle sur les pédales, même si je suis autant épuisé que lui, mais il ne faut pas que je le montre et dois au contraire le stimuler et l’encourager. Concentrés sur l’objectif, on se dépense sans compter, l’allure augmente et le Tandem à Grande Vitesse fonce. Les kilomètres défilent et le temps aussi. Dès que nous avons un doute sur l’itinéraire, nous interpellons une personne pour avoir une confirmation. Le grand plateau ne nous quittera plus, hormis dans les montées sévères comme à Bornel. A Vallangoujard, Thierry connaît parfaitement le parcours et nous redoublons d’efforts, l’arrivée n’étant plus très loin. Enfin, à 16 H 25 nous arrivons à la MJC de Cergy-Village, sous un soleil éclatant. Nos compagnons de route nous ont précédés de peu, et nous sommes chaleureusement félicités par les adhérents du club présents. En comptabilisant les petites erreurs de parcours, nous avons 420 km au compteur et notre BRM est homologué, c’est donc encore un beau pari réussi. Malgré les incidents, cela restera une expérience inoubliable. Je ne peux clore ce récit sans adresser mes remerciements les plus chaleureux à Thierry. Ancien pompier, le mot « échec » est banni de son vocabulaire. Comme le dit un proverbe Sénégalais : « Qui te demande de l’aider te lance un défi » et Thierry a relevé ce dernier de fort belle manière !
Joseph AGRO
Bravo ! Quelle aventure ! Joseph tu es trop fort. Et félicitation au pilote qui ne connait pas le mot échec ! Un bel exemple.
Bravo Joseph ,il faut de la volonté et la forme pour aller au bout.
Bravo aussi a ton pilote.
Gabriel