Un tandem, du cœur, de la motivation et 314 km au compteur

N’ayant pu participer en 2015 au BRM 300 km organisé par mon club, en raison de la défection de mon pilote, j’en fais cette année l’un de mes principaux objectifs. Le plus ardu pour moi est de trouver chaque fois le partenaire de tandem, volontaire et motivé, acceptant de m’accompagner. A ma grande joie, Alain fait preuve d’un bel esprit de solidarité en approuvant ma proposition, d’autant qu’il n’a jamais participé à un brevet de randonneurs mondiaux (BRM), où l’autonomie est le maître mot. Notre plus grande distance en tandem s’élève à 230 km, effectués lors d’un Frépillon-Gerberoy-Frépillon en 2011, avant notre participation au tour de Corse. De plus, Alain, en vélo solo, n’a pas dépassé les 250 km, mon record étant de 240 km en tandem. Bien sûr, nous avons quelques appréhensions. Allons-nous réussir à gérer la fatigue et le temps ? Quoi qu’il arrive, c’est un beau défi qui nous attend.

Itinéraire 300kmJe règle la sonnerie de mon portable à 2 H 45 mais suis réveillé bien avant. Le peu de sommeil a été entrecoupé, sûrement à cause de l’excitation. Je me prépare et attends Alain devant mon domicile à 3 H 30 et, comme à son habitude, il est ponctuel.

Il fait nuit noire. Parés de nos gilets fluorescents, nous enfourchons le tandem, tous feux allumés, afin de rejoindre la MJC de Cergy Village, lieu de départ situé à moins d’un kilomètre de chez moi. Comme nos feuilles d’inscription avaient été transmises en ligne, les formalités sont rapides et nos cartes de route sont déjà prêtes. Nous profitons de ce moment pour converser avec les lève-tôt du club qui accueillent chaleureusement les participants à ce brevet. Nous sommes ravis de voir Lionel, notre président, assisté de Dominique, Catherine, Jean-Marc, Raymond, Jean-Marie. Ils nous encouragent et nous souhaitent bonne chance pour cette épreuve. Nous allons rouler avec Jean-Pierre et Jacques de notre club qui possèdent un GPS.                                              les 4 de Cergy au départ à la MJC- Jean-Pierre, Alain, Joseph, JacquesGrâce à cette aide précieuse, nous devrions suivre le tracé du parcours sans avoir à consulter constamment la carte. Une fois la photographie prise au départ, nous nous élançons à 4 H en compagnie de deux autres cyclos, Roland, le Seine-et-Marnais, et Raymond, le Sequano-Dyonisien. Il fait 4° C, sans vent, nous commençons par la côte de Boisemont en guise d’échauffement musculaire. Nous enchaînons par la longue descente de Meulan Paradis, un vrai bonheur. Nous prenons la direction de Vétheuil, La-Roche-Guyon et Giverny. J’imagine que la nuit est plus facile à affronter en groupe qu’en solitaire. Les perceptions sont différentes, il n’y a plus de repères visuels, il règne une quiétude impressionnante, la route sans aucune voiture nous appartient. Les sens sont exacerbés et je suis encore plus attentif au moindre bruit de la faune. Tout est calme, reposé, quand soudain les coassements des grenouilles rompent le silence. Nous en déduisons qu’il y a de l’eau tout proche, et c’est bien le cas puisque nous longeons la Seine. Nous ouvrons grands nos oreilles lorsque résonnent des hululements « drôlement chouettes ». Dès 6 H, avant l’aube, les oiseaux piaffent d’impatience et commencent leur concerto. A 7 H, la lumière du jour apparaît mais le soleil se cache derrière d’épais nuages. L’Île-de-France laisse place à la Normandie et nous traversons Giverny dans l’Eure, connue pour la maison et les jardins de Claude Monet, père des impressionnistes.

Maison de Claude Monet à GivernyCe n’est guère l’heure de s’attarder, nous devons rejoindre les Andelys, localité où se trouve le premier contrôle de la journée. Pour l’instant tout se passe au mieux, la cadence imprimée par Jean-Pierre est régulière, digne d’un Audax. Aux Andelys, après un coup de tampon sur la carte, une viennoiserie achetée à la boulangerie et une boisson chaude au café sont bien appréciées. En quittant la ville, nous entendons les marchands qui préparent leurs stands, sur la place. Le prochain objectif est maintenant de rallier le deuxième contrôle situé à Forges-les-Eaux en Seine-Maritime. Le parcours est sans difficulté notable, la forme est au rendez-vous, la cadence mesurée. Vers Fleury, auL'Abbaye de Fontaine Guérard bord de la rivière l’Andelle, c’est la pause miction qui, belle coïncidence, nous permet d’admirer les ruines de l’abbaye de Fontaine-Guérard nous faisant face. Elle fut construite au XIIIème siècle, son architecture gothique anglo-normande fait référence.

Nous reprenons ensuite l’itinéraire et traversons Lyons la Forêt, dans le Vexin normand, classé parmi les plus beaux villages français, label très mérité. Alain me décrit les façades ancienneLyons-la-Forêt-Colombagess parées de colombages, de torchis colorés et de briques qui donnent du cachet à cette localité. Nous continuons avec deux belles montées qui sillonnent une infime partie de la vaste forêt domaniale de Lyons. Elle est somptueuse, avec notamment plusieurs hêtres centenaires. Avant d’atteindre  Argueil, les nuages gris deviennent menaçants, un Lyons la Forêt - La Grande Hallee goutte tombe sur mon visage, une deuxième, une troisième, et c’est une véritable averse qui finit par s’abattre. Ce n’est toutefois pas une surprise, les prévisions météorologiques l’avaient annoncée. A Forges-les-Eaux, la pluie cesse et nous faisons un arrêt salutaire à midi, non au casino mais pour déjeuner dans un café. Les restaurateurs, qui ont l’habitude de recevoir les cyclos, apposent leur tampon sur nos cartes de route. Nous sommes à mi-chemin et la méridienne n’est hélas pas au programme. Alain et moi après le repas à Forges les Eaux    Il nous faut reprendre nos montures alors que le soleil pointe timidement ses rayons. Jacques prend un selfi du groupe de Cergy, avant que nous ne rejoignions Crèvecœur-le-Grand sur le plateau picard, dans les Hauts-de-France. Malgré un revêtement granuleux, cette partie est roulante, mais sans attrait. De longues lignes droites sur une route passante, avec des champs de céréales à perte de vue, constituent le paysage. Alain en profite pour mettre le grand plateau et accélérer. Nous essuyons une nouvelle averse, plus forte que la précédente. Celle-ci terminée, Raymond, le cyclo de Drancy, perce à deux reprises, coup sur coup. En bons samaritains nous l’aidons à réparer. A Crèvecœur nous avons 20Selfi des 4 de Cergy à Forges les Eaux0 km au compteur. Nous prenons une boisson dans un bistrot et pointons par la même occasion nos cartes. Nous sommes au 2/3 du parcours et la fatigue ne se fait pas encore sentir. Toutefois, Alain me met en garde : « Joseph, à partir de maintenant le paysage va être plus attrayant mais en contrepartie il y aura plus de bosses. » Les côtes et les descentes se succèdent, et pendant 10 km sur un faux plat montant nous avons un vent de face qui use le mental et le physique. Alain accuse une baisse de régime, j’essaie pourtant de pédaler plus fort, en vain. Nous prenons ensemble la sage décision de s’arrêter à La Chapelle-aux-Pots. Cette césure d’un bon quart d’heure est providentielle, elle permet de s’alimenter pour reprendre de l’énergie. Nous repartons ensuite en direction de Chaumont-en-Vexin, notre dernier contrôle. Les batteries sont rechargées, je sens qu’Alain a retrouvé ses jambes, nous grimpons avec plus d’aisance la Landelle et les autres côtes. A Chaumont en Vexin, nous faisons un arrêt à la boulangerie afin de recevoir le sésame sur nos cartes de route et de déguster le dernier en-cas, avant le finish.

L'église Saint-Jean Baptiste de Chaumont en Vexin (XVIème siècle) Il est un peu plus de 19 H, 45 km restent à parcourir, la clarté du jour diminue et les éclairages sont indispensables afin d’être vus des automobilistes. Le final jusqu’à Cergy nous le connaissons les yeux fermés, alors nous augmentons la cadence. La forme est là, la montée d’Hénonville devant son château nous nargue mais nous anticipons avec un développement adéquat. Les kilomètres défilent, nous passons par Grisy-les-Plâtres, Boissy-l’Aillerie et voici enfin venue l’ultime difficulté, la côte de Puiseux-Pontoise que nous savourons puisque c’est la dernière. Quel plaisir enfin d’arriver à la MJC de Cergy alors qu’il n’est pas encore 21 H ! Nous recevons un bel accueil de Lionel, Dominique, Catherine et Grégory qui s’empressent de nous féliciter. Je suis euphorique, ravi d’être parvenu au terme de cette épreuve sans être éreinté.Alain et moi arrivant à la MJC de Cergy  Avant tout, je remercie très sincèrement Alain, mon pilote, m’ayant permis de valider en 17 H le premier BRM 300 km. Je lui offre la médaille de cette épreuve, ô combien méritée puisqu’il a relevé avec panache son défi et battu son record de distance. En effet, à la fin, nous avions 314 km au compteur du tandem avec une dénivelée de 1800 m. Par ailleurs, Il m’a aussi décrit les différents paysages rencontrés entre cultures et bocages  ainsi que les villages traversés. En revanche, sans signalement nécessaire, je sentais l’odeur entêtante des immenses champs de colza tout au long de l’itinéraire. Alain et moi à l'arrivée à Cergy

Il y eut une belle cohésion au sein de notre groupe, Jean-Pierre et Jacques nous ont attendus dans les montées et la navigation fut facilitée grâce à leurs GPS, un grand merci à eux.

Ne dit-on pas que les seules limites qui existent sont celles que l’on s’impose ? J’ai donc l’envie de me lancer d’autres défis, d’aller plus loin et pourquoi pas le BRM 400 km qui sera organisé par mon club en 2017.

21 réflexions sur « Un tandem, du cœur, de la motivation et 314 km au compteur »

  1. J’étais certain que Joseph allait nous faire un beau compte rendu de ce BRM de 300 km. Je l’attendais avec impatience pour connaître leurs impressions et le déroulement du parcours.
    En te lisant on vit vraiment cette chevauchée d’un jour, les douleurs éventuelles en moins.
    Je vous admire et vous félicite tous les quatre, avec une mention spéciale à nos deux novices de cette distance.
    Lorsque la motivation et la préparation sont effectives, tu as raison Joseph on peut se surprendre soi même et pourquoi pas envisager d’autres limites.

    • Merci Michel pour ton commentaire si élogieux sans oublier Michel Vilpoix qui a mis ce récit en ligne en y insérant de belles photos.
      Amitiés.
      Joseph

  2. Un fois de plus, chapeau bas!!
    Cet effort d’équipe aura permis à chacun d’entre vous de vous surpasser,
    et aussi d’avoir confiance face à l’adversité vertueuse.
    C’est un plaisir de lire ces descriptions, on s’y croirait.
    Que ce courage vous suive longtemps.
    Claude B.

    • Bravo pour l’exploit sportif, et aussi pour ce récit très vivant qui permet bien de vivre l’évènement. Et bravo aussi au pilote. Bien que Joseph soit un copilote très efficace et très agréable, il faut quand même tenir la distance.

    • Merci Claude, si j’ai toujours la santé et un partenaire de tandem, je compte bien continuer mes périples.
      Amitiés.
      Joseph

  3. Bravo.!bel exploit sportif belle solidarité qui rend tout possible et je feliciterai le talent d écrivain de Joseph.
    On ne mollit pas …..c’est parti pour un 400 km en 2017.
    Amitiés
    Sylvie

    • Merci Sylvie pour ton commentaire fort sympathique et si je trouve un nouveau pilote, toujours volontaire et motivé, alors j’irai plus loin en 2017.
      Bises.
      Joseph

  4. Merci Joseph pour ce récit qui raconte avec détails notre périple.
    Tu mets bien en valeur notre ressenti, et toutes les émotions que nous avons éprouvées durant cette journée.
    Je ferais juste une petite remarque : si nous avons terminé tous les 2 ce parcours assez frais et sans grosse fatigue, il n’en est pas de même du compteur qui a dû finir épuisé au point de s’arrêter à 2 km du but; Il aurait indiqué 316 km s’il avait fonctionné jusqu’au bout. Il est vrai qu’après avoir parcouru une telle distance on n’est plus à 2 km près.

    • Un grand merci à toi Alain, mon partenaire de tandem pour cette épreuve, nous avons vécu une belle aventure ensemble sans oublier Jacques et Jean-Pierre, nos deux camarades de club.
      Amitiés.
      Joseph

  5. Joseph, bravo, je suis vraiment impressionné par ta motivation et ton bel esprit sportif tout au long de ce périple. Toutes mes félicitation également pour ce récit, vivant, chaleureux et humain, qui se lit avec grand plaisir. Pour en paraphraser le titre, je dirais : »Joseph, du coeur, de la motiovation, et un bel article à la clef ».
    Amitiés d’un collègue

    • Je te remercie Christophe, grâce à ton aide précieuse concernant la relecture du récit et tes suggestions pertinentes, celui-ci est plus plaisant à lire.
      Amitiés.
      Joseph

  6. Waouh!!! Pédaler de 4h du mat’ à 21h, faut être sacrément mordu!!! Mais à lire ton récit et à voir ces jolies photos, on dirait que ça vaut le coup!
    Bravo pour votre endurance et votre volonté, et merci pour le partage!
    Bisous

    • Merci Lucile, au-delà de vous faire partager mes aventures, mes récits sont aussi destinés à mettre à l’honneur mes pilotes.
      Bises à toute la famille et surtout au petit Jules.
      Joseph

  7. Je pense que tu es maintenant sur une dynamique particulière , ce 300km c’est une barrière qui est tombée, la prochaine se profile à l’horizon c’est un 400km.
    Bravo à tous les deux et bienvenue dans ce monde particulier de la très grande distance

    • Merci Lionel, évidemment Si Thierry veut se lancer un nouveau défi en tandem, le BRM 400 km organisé par notre club sera pour moi un objectif certain en 2017.
      Amicalement.
      Joseph

  8. Bonjour,
    Je lis seulement aujourd’hui ce compte-rendu, car je cherchais sur le site du club des renseignements sur la participation à « toutes à Strasbourg ». J’ai vu la vidéo sur un autre site et, voyant des tandems, j’ai tout de suite pensé à l’US Cergy.
    Bien qu’habitant Conflans, j’ai eu il y a quelque temps l’opportunité de rouler en votre compagnie, notamment avec le tandem de Joseph, et ai toujours trouvé votre compagnie très sympathique.
    Bravo à Joseph et à son pilote pour ce BRM 300.
    Amicalement.
    Daniel Douguet

    • Merci Daniel pour ton message et au plaisir de se rencontrer à nouveau sur les routes du Vexin.
      Amicalement.
      Joseph

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